L'étoffe d'un héros?
Hippolyte, fils de Thésée, incestueusement aimé de Phèdre, succombe pour s’être épris d’un absolu de pureté. C’était une âme excessive. Euripide le caractérise d’un mot qui évoque l’idée de limite franchie, de mesure dépassée, d’un au-delà où le héros se laisse emporter. Antigone aussi était une âme excessive. Vouloir plaire aux morts plutôt qu’aux vivants est une de ces saintes démesures qui déclenchent le terrible appareil de la tragédie. Mais chez tous les véritables héros de tragédies, d’épopées et de romans, n’y-a-t-il pas de l’excès et une sorte d’outrance magnifique ? Plus ils sont des êtres d’aspiration, comme ceux de Balzac, plus leur élan est démesuré, et plus ils existent et plus tragique et le choc de leur démesure avec la structure du monde.
Ernest Dutoit, Domaines, p. 81.